Tellement mythiques ces Aiguilles de Cham. Il fallait bien attendre pour les mériter… C’est donc prévu pour ce mois de juillet : nous sommes physiquement prêts, motivés, nous partons avec 2 guides qui se connaissent bien, Ricardo et Laurent et en qui nous avons entièrement confiance.

La fameuse compagnie des Guides du Val Montjoie : des années d’experience, une technique hors pair, la connaissance et l’amour du milieu montagnard, la tradition et la modernité, l’envie de partager et faire découvrir. C’est tout ça à la fois le métier de guide.

Day 1

Nous voilà partis depuis l’Aiguille du midi, de bon matin, l’objectif étant d’atteindre dans le meilleur des cas un emplacement de bivouac pour la nuit à proximité de l’Aiguille du Fou.

Nous faisons 2 cordées : Fix et Bib devant et Ricardo et moi ensuite. on est bien chargés : materiel de bivouac, d’escalade, de glacier… Ça pèse ! En route pour la traversée Midi-Plan, que je n’ai pas faite depuis une éternité et que je trouve méconnaissable. La montagne a carrément changé à cet endroit, c’est impressionnant. Nous y passons un peu de temps, tirons et coinçons un premier rappel. Mais le rythme est bon, il fait super beau, l’ambiance est dans le mood ! Il faut dire que rejoindre l’aiguille du Plan est déjà en soi une bonne bambée. Cette belle traversée d’arête permet d’alterner les passages côté mer de glace et côté Cham.

On quitte le Plan pour se diriger vers la dent Crocodile. Déjà plus délicat, on rentre vraiment dans le vif du sujet : granite chamoniard en grosses.

Des gros blocs à escalader, des blocs coincés énormes avec coincements des pieds et renfougne pour se hisser, on est bien dans la démesure de la montagne. Des fissures et des failles… on passe de l’ombre au soleil et on parcours plus de distance que de dénivelée. C’est physique , mais c’est beau.

Petites longueurs et corde tendue s’enchainent… nous voilà au sommet de la dent du Crocodile, dont le bloc sommital est plat. 

On se prépare pour envoyer un rappel et s’est Bib puis Fix qui s’y collent les premiers. Pendant se temps-là, je suis toujours assise au sommet avecRicardo et d’un seul coup on ressent une espèce de secousse, un “clang” qui vient faire bouger le bloc sommital. C’est bien la preuve, si on venait encore à en douter, que le permafrost se modifie du fait du réchauffement climatique.

Du coup, il vaut mieux ne pas trainer et nous partons immédiatement dès que le rappel est libéré.

Entre la dent du Crocodile et la dent du Caïman, des gros cumulus de beau temps bourgeonnent sur les sommets et nous nous retrouvons en plein brouillard. A un tel point que nous ne savons plus si on est côté Mer de Glace ou côté Cham. Si nous devons envoyer un rappel vers la droite ou vers notre gauche. Complètement dans le coton, la discussion s’engage, le temps tourne…

Une brève fenêtre s’ouvre sur la vallée nous remet bien en ordre de marche. Nous nous lançons dans l’ascension de la Dent du Caïman. La fatigue commence à se faire sentir et pour cette nouvelle grimpe, Ricardo me fait troquer les grosses par mes chaussons d’escalade. Je suis bien plus à l’aise, mais mes grosses viennent se rajouter au poids du sac.

Comme nous ne sommes pas assez chargés, on se rajoute des sacs remplis de neige car nous ne sommes pas sûrs d’en trouver au bivouac.

L’ascension de la Dent du Caïman est un peu fastidieuse et le jour commence à tomber. Le brouillard est en train de se déchirer et nous nous engageons dans les  rappels de descente vers le col du Caïman. La face du Caïman à cet endroit est rayée de fissures très impressionnantes, très esthétiques. La montagne à l’état brut.

Nous prenons pied sur le col du Caïman et finalement Ricardo et Laurent décident de bivouaquer ici. Il y a de la neige, de la place ce sera très bien et très confort pour passer la nuit. 

Nous nous apprêtons à faire un bivouac ****, un peu rudimentaire puisqu’il va falloir dormir, au choix, directement sur le sol ou sur un matelas constitué d’une corde délovée. Je prends l’option corde, sur laquelle j’installe mon sac de couchage. Après un diner rapide et la préparation du lendemain, je m’endors comme une masse. La journée a été intense. Je me réveille en plein milieu de la nuit sous un ciel étoilé qui éclaire tellement la montagne qu’on le croirait tout droit sorti d’un décor de cinéma. Encore quelque heure de sommeil bienvenue sous la Grande-Ourse.

Réveil au petit matin, c’est dur. Il faut se remettre en route, après un petit déjeuner frugale, nous refaisons nos sacs et sommes prêts pour attaquer la suite : Aiguille Chevalier, départ de l’itinéraire un peu compliqué à trouver, suivi de la pointe Lépiney, encore des océans de granite, avant d’arriver au crux: l’Aiguille du Fou. 

Deuxième jour… deuxième nuit…

Élancée vers le ciel, un gros morceau, assez impressionnant : de la belle escalade en perspective, sur un granite abrasif. Bib s’élance, il grimpe facile. Fix, suivi de Ricardo. Nous grimpons un dièdre parfait en plein soleil, sur un rocher aiguisé à souhaits. On voit que des éboulements récents ont un peu modifié la face. Par moment le rocher est instable, une belle lame se décroche sous mes pieds. Superbe !! Quelle expérience. Escalade grandiose en 5.

Après le Fou nous enquillons les rappels pour arriver à l’aplomb des Ciseaux que nous contournons. Ça enchaine bien et nous nous retrouvons au col des ciseaux. En revanche on n’a rien mangé depuis le matin et d’un seul coup, je me retrouve avec un gros coup de mou et une perte d’énergie. Pourtant, il n’est pas encore temps de s’arrêter. Encore pas mal de manip de corde et nous arrivons dans le secteur de Blaitière.

Nous contournons Blaitière pour rejoindre le couloir Spencer. 2 rappels (encore, dont un coincement) nous conduisent sur la rive gauche – l’arête Brégeault, le couloir n’étant plus praticable.

S’ensuit une longue déséscalade, de blocs, de vires et d’éboulis, 1 ou 2 rappels supplémentaires dans un terrain qui parpine un peu… il faut être vigilant. Nous avançons bien, la journée avance et nous voyons déjà le glacier des Nantillons que nous devons rejoindre… jusqu’au moment où Ricardo reçoit un appel d’Olivier Begain qui l’informe d’un gros orage sur les Contamines. Nous ne voyons de notre côté de la montagne, au contraire le temps est toujours dégagé et ensoleillé.

Mais en moins d’une demi-heure la météo bascule. Nous avons juste le temps de rejoindre les rappels des Nantillons que la pluie se met à tomber à grosses gouttes. Puis premier claquement de tonnerre. Laurent s’est déjà engagé dans le premier rappel. Nous sommes un peu derrière avec Ricardo une autre cordée arrivant d’un autre itinéraire nous a rejoins. La pluie s’intensifie, je ne suis pas très confiante pour la suite de la descente, d’autant plus que les premiers rochers commencent à parpiner de partout avec l’écoulement de l’eau. En plus le temps s’est assombrit, la nuit ne va pas tarder, dans quelques instants on ne verra plus rien. Je fais part de mes doutes à Ricardo qui prend la décision de remonter un peu pour s’abriter sous un gros rocher. 

Bib, qui est bien plus bas, remonte 4 à 4 le long du rappel. Je suis finalement bien contente et rassurée de cette décision. Poursuivre sous ce temps et dans ces conditions me paraissait dangereux… Nous remontons tous les 4 pour nous mettre à l’abri sous cette grosse pierre penchées que nous partageons également avec l’autre cordée. Nous sommes tous assis en rang d’oignon, à attendre que la pluie battante s’arrête et que l’orage passe.

C’est ce qui finit par arriver au bout de quelques heures, mais il est trop tard pour repartir. Nous nous installons donc pour une nouvelle nuit, un 2ème bivouac, complètement improvisé : sortie de sacs de couchage, de ce qui nous reste de vivres et finalement extinction des feux après une journée bien remplie.

Au petit matin, la nuit n’a pas été top, mais le temps est revenu au beau et après un petit dej frugal, nous nous engageons dans les rappels des Nantillons. Heureusement qu’on ne s’est pas entêtés hier soir…ça aurait été du stress pour ne pas dire de la folie !

Laurent et Fix sont en bas du dernier rappel à l’abri derrière un gros bloc. Ca parpine en core pas mal, moins qu’hier, mais encore suffisamment pour se faire dégommer. Une fois leur cordée prête, ils doivent traverser un nrand névé en courant pour aller se mettre à nouveau à l’abri, sortis de ce champ de mines.

A notre tour : dernier rappel, même manip de corde, même regroupement derrière le gros bloc, même consigne de courir sans s’arrêter jusqu’à être à nouveau en sécurité. 

Ça y est nous nous retrouvons tous les 4 sortis des Nantillons et enfin sur le chemin du Plan de l’Aiguille sous Blaitière. Le gros des difficultés est fini, on est super contents on se congratule et se claque tous la bise. C’est top, quel bonheur!! Merci Bib, merci Ricardo et bravo Fix !!

Nous regagnons le Plan de l’Aiguille quand même d’un bon pas, l’ambiance est toute détendue et agréable et on peu discuter de tout et de rien… malgré 2 jours et 2 nuits ensemble on a encore plein de sujets de discussion ! On termine cette course par un bon coca à la buvette du Plan de l’Aiguille. Formidable !